En introduction à cet article, tiré du Figaro, voici une petite explication du phénomène agricole global. N'oublions pas qu'au profit de la maximisation des profits avec les économies d'échelle, la diversité génétique des espèces cultivées a beaucoup diminué, de pair avec la diversité de la résistance aux maladies. Le système agricole mondial est extrêmement vulnérable. Les agents mycologiques (les champignons) sont extrêmement volatiles et peuvent facilement traverser les océans et peupler les autres continents, suite à des phénomènes climatiques de grande envergure, tels que des ouragans.
Si les conditions climatiques lui sont clémentes, l'agent pathogène s'installe très aisément et le détruire est presque impossible. Les conséquences de son arrivée ne se ressent pas seulement dans les récoltes agricoles, mais dans tout l'écosystème naturel qu'il bouleverse inévitablement. Parfois les conséquences sont désastreuses, telles que l'expérience du kudzu aux États-Unis, ou du longicorne asiatique dans la région de l'Ontario-Québec.
Pour contrôler les agents pathogènes en limitant toutefois leur utilisation, afin de retarder leur résistance, on a recourt à la modélisation des phénomènes climatiques. À partir de ces modèles, la localisation probable des incidences d'infection est prévue. Seulement ces lieux seront traitées au fongicide. Avec ces méthodes, l'utilisation de pesticides de tous genres est parfois réduite au tiers! Ce type de service est fourni par plusieurs associations d'agronomes.
Que pouvons-nous faire? Appliquer la loi de la diversité à partir de notre assiette. Les agriculteurs ne choisissent pas vraiment ce qu'ils doivent cultiver. Ils produisent simplement ce que les gens demandent et qui leur est suffisamment profitable. Diversifier notre assiette est meilleur pour notre santé ainsi que pour la sécurité alimentaire mondiale.
Un redoutable champignon parasite du blé refait surface
Pierre Kaldy 28/04/2008
Alors que les stocks mondiaux de céréales sont au plus bas, la rouille noire du blé, un fléau que l'on avait presque oublié, décime les récoltes en Afrique orientale et au Moyen-Orient.
Qui arrêtera l'inexorable progression du mutant Ug 99 ? Détecté pour la première fois en Ouganda en 1999 (d'où son nom), cette nouvelle souche de la rouille noire du blé, un redoutable champignon parasite, ne cesse de s'étendre depuis bientôt dix ans (voir la carte ci-contre). Après le Kenya en 2001 et l'Éthiopie, en 2003, le fléau vient de pénétrer en Iran et pourrait frapper le Pakistan et l'Inde.
«La menace est bien réelle, confirme Ivan Sache, épidémiologiste à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), car la plupart des blés cultivés dans le monde sont sensibles à ce nouveau mutant. Et cela fait des décennies que l'on n'avait pas vu une souche aussi dangereuse.» Dès 2003, Norman Borlaug, le célèbre agronome américain et Prix Nobel de la paix, à l'origine de la plupart des variétés de blé qui ont contribué à la «révolution verte» des années 1960, tire la sonnette d'alarme. Il y a de quoi : lorsqu'elles sont testées sur place, au Kenya, plus de 80 % des variétés de blé cultivées dans le reste du monde se révèlent sensibles aux attaques d'Ug 99…
Nouveau mutant
Avec le soutien de la Fondation Rockefeller, Borlaug fonde la «Global Rust Initiative (GRI, rust signifiant «rouille» en anglais), afin de coordonner la lutte contre le nouveau mutant. Début 2007, la souche est signalée au Yémen et provoque de lourdes pertes dans les récoltes de blé au Kenya et en Éthiopie. «Cette progression était prévue car un autre champignon, la rouille jaune, a déjà suivi le même itinéraire au début des années 1990, provoquant des dégâts importants jusqu'en Asie du Sud-Est. Mais avec la rouille noire, le danger est autrement plus grave», prévient Ivan Sache.
En janvier de cette année, le mutant crée la surprise : alors qu'on l'attend au Proche-Orient ou en Égypte, il est repéré à l'ouest de l'Iran. «Le risque, ajoute le chercheur, c'est qu'Ug 99 gagne ensuite les pays voisins gros producteurs de blé, comme le Pakistan, le Kazakhstan ou l'Inde.» Le 2 avril, l'Université Cornell (États-Unis) a reçu 26,8 millions de dollars de la Fondation Bill & Melinda Gates sur trois ans pour financer les efforts de recherche d'une quinzaine d'institutions dans le cadre du projet Durable Rust Resistance in Wheat.
L'utilisation de fongicides n'est pas d'un grand secours pour des pays qui n'ont souvent pas les moyens de les acheter ou de les épandre. La solution viendra, comme il y a un demi-siècle, de nouvelles variétés de blé présentant de nouveaux gènes de résistance à Ug 99. «Leur sélection va cependant prendre plusieurs années avant d'aboutir à des variétés adaptées aux différentes régions et offrant des rendements acceptables, indique Ivan Sache. D'ici là, il va falloir se préparer à vivre avec cette menace et rester très vigilants.» Fin 2007, une lueur d'espoir arrive de Chine. Des chercheurs de l'Académie chinoise des sciences de l'agriculture auraient développé une variété résistante à la souche Ug 99 qui serait déjà cultivée. Au moment où les stocks mondiaux de blé sont au plus bas depuis vingt-cinq ans et que la demande, selon la FAO, n'a jamais été aussi forte, une course de vitesse est engagée pour contrer le parasite mutant.